Énergies renouvelables
Photovoltaïque
Transition énergétique suisse

Les choix énergétiques suisses varient-ils en fonction des régions ?

Interview avec un expert de l’acceptation par le public des politiques climatiques et énergétiques.

Posté le 23 janv. 2024

Auteur·e·s

Aïcha Besser

Responsable Communication
CLIMACT

Expert·e·s

Dr.
Dr. Gracia Brueckmann

Faculty of Political Science and Oeschger Center for Climate Change Research, University of Bern

Les choix énergétiques suisses varient-ils en fonction des régions ?

Face à des défis mondiaux tels que la hausse des coûts de l'énergie et la nécessité de décarboner, la Suisse explore les énergies renouvelables décentralisées afin d'améliorer la résilience. Cela implique des acteurs clés tels que les citoyen·ne·s, les électeur·rice·s et les consommateur·rice·s d'énergie. Les choix énergétiques individuels sont façonnés par les conditions locales spécifiques, par des facteurs tels que les potentiels régionaux en matière d'énergies renouvelables et les dynamiques sociales qui leur sont propres.

A travers une vaste enquête menée auprès des habitant·e·s de la Suisse, les chercheur·euse·s ont essayé de déterminer la diversité des préférences régionales en matière de politiques d'énergie renouvelable, en fonction de facteurs comme l'urbanité et la localisation. Il est essentiel de comprendre ces nuances pour établir des prévisions réalistes et aider les développeur·euse·s de projets à implanter stratégiquement diverses technologies d'énergie renouvelable.

Gracia Brückmann, qui s'appuie sur ces données, nous révèle les principales conclusions. Interview.

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Quels ont été les résultats les plus surprenants de votre recherche et pouvez-vous expliquer les raisons de ces résultats inattendus ?

Gracia Brückmann (G.B.) : Un résultat très intéressant ressort de l'étude : nous ne constatons pas de différences régionales substantielles dans l'acceptation des énergies renouvelables et des politiques en matière d'énergies renouvelables.

C'est surprenant pour au moins deux raisons. Premièrement, les trois régions que nous avons définies dans les projets EDGE - c'est-à-dire le plateau suisse, les Alpes et les zones urbaines - présentent des différences significatives d'un point de vue technico-économique, mais aussi sociopolitique. Deuxièmement, du point de vue des sciences politiques, les attentes en matière de modèles d'acceptation régionale ont également suivi les différences régionales connues dans de nombreuses (voire presque toutes) dimensions de l'opinion publique et des préférences. Toutefois, l'absence de schémas d'acceptation régionaux que nous observons a des explications.

La première est que le discours politique sur la transition énergétique est essentiellement national. Cela s'explique notamment par le fait que les énergies renouvelables étant un domaine politique national en vertu de l'article 89 (2) de la constitution suisse, nous avons eu plusieurs scrutins nationaux sur les questions énergétiques, accompagnés de campagnes politiques assez intenses et émotionnelles.

Une autre raison expliquant les préférences non régionalisées est la petite taille de la Suisse. Lorsque nous parlons de photovoltaïque alpin (PV), par exemple, nous ne pouvons pas dire que seul·e·s les habitant·e·s des Alpes sont « affecté·e·s » par la construction d'une infrastructure d'énergie renouvelable dans cette région, mais que les personnes vivant dans les zones urbaines ou sur le plateau suisse se soucient également des Alpes parce qu'elles vivent relativement près des montagnes et qu'elles y passent leurs vacances.

Par conséquent, en ce qui concerne le célèbre phénomène NIMBY (not in my backyard), nous pourrions affirmer que pour les Suisses, « l'arrière-cour » dans les questions liées aux infrastructures énergétiques se rapporte souvent à l'ensemble du pays.

Pouvons-nous tirer des conclusions des résultats de cette enquête ?

G.B. : Les résultats de nos analyses régionales donnent des indications sur la manière dont le débat politique autour de la transition énergétique devrait être « organisé ». L'un des points est que cela semble être une bonne stratégie de mettre l'accent sur la transition énergétique en tant que projet national et d'avoir un débat national (plutôt que de nombreux débats régionaux) sur les infrastructures, les technologies et les réglementations, en tenant compte des effets distributifs régionaux. Il n'est pas facile de proposer des actions concrètes, mais il vaut la peine d'être sensibilisé·e au rôle important que joue la polarisation politique dans le processus de transition énergétique.

Quelles sont vos conclusions concernant les terres agricoles ?

G.B. : La plupart des personnes interrogées sont plutôt positives à l'égard de l'énergie photovoltaïque sur les terres agricoles et, de plus, nous n'observons pas de différences notables entre les régions du plateau suisse, les régions urbaines et les régions alpines. En effet, les questions utilisées dans l'enquête EDGE étaient clairement formulées de manière positive, c'est-à-dire que certains avantages d'Agri-PV ont été mentionnés alors que les conflits et défis potentiels ne l'ont pas été. Par conséquent, nous devons étudier plus en détail si les individus restent optimistes à l'égard de ce type de PV s'ils entendent également les arguments les plus difficiles.

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Cet article est une interview suite au séminaire CLIMACT en ligne intitulé Préférences en matière de politique énergétique dans les régions suisses, présenté par Dr. Gracia Brückmann en octobre 2023. Regardez la vidéo complète du séminaire pour en savoir plus.

Au sujet de l’expert : Gracia Brückmann est post-doctorant au Institute of Political Science et au Oeschger Centre for Climate Change Research de l'Université de Berne. Iel est actuellement chercheur invité à la London School of Economics and Political Science. Dr. Brückmann est titulaire d'un doctorat de l'ETH Zurich. Ses recherches portent sur l'acceptation par le public des politiques climatiques et énergétiques, compte tenu de différentes expériences antérieures.

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