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La sobriété web : quelles solutions à notre échelle?

Le point avec Dr Nicolas Tétreault, Directeur exécutif CLIMACT

Posté le 9 mai 2023

Auteur·e·s

Dr
Dr Nicolas Tetreault

Executive director
CLIMACT

Expert·e·s

Louise Aubet

Responsable R&D et consultante numérique responsa...
Resilio

Aurélien Borst

Développeur principal full stack
Tagadart Sàrl

John Rubattel

Responsable
Tagadart Sàrl

La sobriété web : quelles solutions à notre échelle?

CLIMACT est avant tout un centre de recherche fédérant plus d’une centaine de chercheur·euses UNIL et EPFL de tous domaines et de tous niveaux, mais pas que. Nous sommes aussi une entité administrative animée par 4 collaborateur·trice·s engagé·es personnellement et professionnellement dans la lutte contre les changements climatiques. De ce fait, nous essayons au jour le jour de faire évoluer nos processus et adopter de bonnes pratiques pour diminuer les impacts environnementaux de nos activités.

Par exemple, nous avons choisi d’ offrir 1kg de CO séquestré par Climeworks à chacun·e des invité·es à notre inauguration en octobre 2021 plutôt que des cadeaux “corporate” sans utilité. C’est aussi pourquoi vous ne trouverez ni bouteilles d’eau jetables ni plats carnés lors de nos événements. Nous ne validerons pas vos tickets de stationnement mais vous trouverez toujours une place pour votre vélo ou un arrêt de bus à proximité. Quelques éco-gestes qui ne changent pas le monde, certes, mais qui nous motivent au jour le jour à faire bien, autrement, et à notre échelle.

C’est pourquoi, lorsqu’est venu le temps de mettre à niveau notre première vitrine web la question s'est posée tout naturellement: “Pouvons-nous faire mieux, à notre échelle?” Après quelques réflexions, nous nous sommes fixés 5 objectifs principaux pour ce projet:

  • Créer un site web efficace et à impact réduit sur le climat tout en maintenant la qualité de l'experience utilisateur·trice
  • Valoriser le savoir-faire local
  • Dans la mesure du possible, opter pour des services locaux, de préférence suisses ou européens ainsi que des technologies libres et ouvertes
  • Respecter les données personnelles de nos visiteur·euses web en éliminant l’utilisation de “cookies”
  • Partager notre expérience avec vous pour vous permettre de la répliquer facilement dans votre entreprise, et ainsi diminuer votre propre impact

Dans ce premier article, nous allons vous présenter l’équipe que nous avons mise sur pied pour ce projet. Ce sont deux partenaires de la région tout autant engagés que compétents et qui nous expliqueront dans un premier temps pourquoi nous devons œuvrer à diminuer l’impact climatique lié aux technologies de l’information. Il s’agit de John Rubattel et Aurélien Borst, développeurs web chez TAGADART, et de Louise Aubet, responsable R&D chez Resilio.

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Interview avec Aurélien Borst, Louise Aubet et John Rubattel:

John et Aurélien, pourriez-vous nous présenter TAGADART?

John:  "TAGADART est une agence de communication aux multiples compétences qui a pour mission d’accompagner sa clientèle dans une démarche stratégique créative, simple et efficace. Dans un marché en constante évolution, nous sommes continuellement à la recherche des dernières innovations et d’expériences de communication uniques, sur-mesure, où l’éthique et l’humain restent le centre de ses priorités." 

Pourquoi avoir répondu à notre appel d’offre pour une page web innovante et efficace ?

John:  "La gravité de la situation climatique ainsi que la crise énergétique actuelle occupent tous les esprits. Les entreprises étant principalement responsables des changements climatiques, TAGADART se doit d’apporter de nouvelles solutions écologiques dans ses activités numériques proposées à sa clientèle.

Dans le contexte actuel, le projet CLIMACT nous a naturellement tenu à cœur dans le but d’apporter nos compétences dans le développement d’un site internet écoresponsable en diminuant sa consommation d’énergie et les rejets de CO associés. Nous nous sommes donc donné la mission, à travers ce projet, de faire prendre conscience du coût engendré par nos usages quotidiens du Web et d’améliorer la perception ainsi que la compréhension des enjeux énergétiques du numérique auprès du secteur économique et du public." 

Louise, pouvez-vous nous présenter Resilio ?

Louise : "Resilio est une start-up soutenue par l’EPFL, qui propose des services de formation, de conseil et d’analyse d’impact environnemental autour du numérique responsable. Notre mission est d’accompagner les organisations dans leur transition vers la sobriété numérique. Notre équipe d’ingénieur.es et d’expert.es est passionnée par le potentiel d’innovation et d’écoconception des services numériques, afin de développer un usage parcimonieux, réfléchi et durable de la high-tech."

Pourquoi est-il primordial de s'intéresser dès aujourd’hui à la sobriété numérique?

Louise : "On considère souvent que le numérique est « virtuel », « dématérialisé », parce qu’on ne voit pas les impacts sous nos yeux. En réalité, le numérique est très concret et matériel.

Prenons le web par exemple, c’est un exemple très parlant. On imagine le web comme totalement immatériel, un grand nuage qui contiendrait les réponses à nos questions. Pourtant, nous avons besoin d’un smartphone ou d’un ordinateur pour y accéder, des centres de données pour stocker les données et effectuer les calculs et de câbles et antennes pour permettre à ces différents appareils de communiquer. Tout cela est très concret et génère des impacts environnementaux.

Le secteur du numérique représente aujourd’hui environ 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et cet impact augmente très vite ! Selon les estimations, entre 2010 et 2025, il va être multiplié par 3. En 2025, les émissions liées au secteur du numérique représenteraient autant que celles de la flotte mondiale de camions (Source : GreenIT, Empreinte environnementale du numérique mondial, 2019).

De plus, nos équipements numériques sont constitués de ressources non-renouvelables. Un smartphone contient plus de 50 métaux différents : or et cuivre pour les circuits électriques, lithium pour les batteries, etc. Pour tous ces métaux et minéraux, les gisements sont de plus en plus difficiles à trouver et de moins en moins productifs. Si on veut éviter les pénuries de ressources, il faut donc les utiliser avec parcimonie.

Ainsi, pour limiter ses impacts sur l’environnement et permettre aux prochaines générations d’y avoir également accès, il est capital de travailler dès maintenant sur une sobriété numérique."

Aurélien, pouvez-vous nous expliquer d’où vient la pollution numérique ?

Aurélien : "Il me semble déjà important de définir la pollution numérique et de prendre conscience du problème, car il est trop souvent ignoré du public.

L'ADEME estime que la consommation électrique du digital provient principalement de trois sources :

  1. 30% des équipements (ordinateurs, téléphones, etc.), qui lisent les données et présentent le contenu.
  2. 30% des datacenters, c'est-à-dire les fermes de serveurs qui hébergent les données.
  3. 40% des réseaux, qui permettent de transmettre les données des datacenters jusqu’à vos équipements.

Quelques exemples supplémentaires:

  1. La pollution numérique des emails (réseaux) 80% des mails ne sont jamais ouverts. Une personne recevrait, en moyenne, 1000 newsletters par an. Cela représente plus de 9 kg d’émissions de CO₂ par an par personne.
  2. La pollution numérique du streaming (réseaux)
    1. Le streaming vidéo correspond à 60-65% des flux de données1.
    2. 10h de film en haute définition contiennent plus de données que l’intégralité des articles en anglais de Wikipédia.
    3. La consommation mondiale de streaming vidéo émet 300 millions de tonnes de CO₂ dans le monde chaque année, 7.5 fois plus que toutes les émissions suisses 2.
  3. La pollution numérique des datacenters
    1. En somme, un datacenter de 10’000 m2 consomme en moyenne autant qu’une ville de 50 000 habitants 3.
  4. La pollution numérique des équipements
    1. En 2019, 34 milliards d’équipements informatiques ont été fabriqués.
    2. Entre l’extraction des composants, l’assemblage du produit dans des usines aux quatre coins du monde et leur transport vers le lieu de vente, on estime que la fabrication d’un ordinateur portable émet en moyenne 100 kg de CO₂ et exige d’extraire 600 kg de matières premières. Ce qui peut représenter jusqu’à 90% de ses émissions sur l’ensemble de son cycle de vie4."

En tant que développeur web, comment pouvez-vous conseiller le grand public ?

Aurélien : "Nous avons la responsabilité de conseiller nos clients et le public sur l’impact des choix et comportements web.

Aujourd’hui, tout nous incite à consommer plus. La 5G s’impose, les vitesses de transferts sont plus rapides que jamais, l’offre de services est gargantuesque et le nombre d’appareils connectés est tout simplement dérisoire.

Voici par exemple quelques conseils pratiques :

1. Conservez le plus longtemps possible ses appareils. Téléphone, ordinateur, portables, il y a souvent moyen de les réparer plutôt que de les remplacer. Comme avec les repair-cafe. Lorsqu’un appareil n’est plus utilisé, surtout ne pas le garder les tiroirs! Il

peut être réutilisé ou recyclé! Si vous changez votre appareil, privilégiez le marché d’occasion ou les appareils reconditionnés qui sont souvent garantis.

2. Réduisez la résolution des vidéos. Avez-vous réellement besoin de la 4K ? Si vous voulez en savoir plus : https://theshiftproject.org/article/climat-insoutenable-usage-video/

3. Désactivez la lecture automatique des vidéos

4. Privilégiez la musique téléchargée et les plateformes streaming audio plutôt que les clips vidéos

5. Stockez vos photos sur un stockage local. Le transfert des données consomme 2 fois plus d’énergie que son stockage pendant 1 an.

6. Triez régulièrement votre boîte mail. Supprimez les messages envoyés, spams, courriers indésirables

7. Installez une extension qui va mesurer votre consommation de CO₂ et vos données téléchargées : a. Carbonwiz. Swiss made, CO₂ et données b. Greenit. French Tech, eau, CO₂ et données

Près de six mois se sont écoulés depuis le début de ce projet et vous lecteur·ices, lisez cet article sur notre nouveau site web! Non seulement, il est beaucoup plus rapide à utiliser que l’ancien basé sur Wordpress, mais il est aussi plus complet et informatif, tout en offrant une expérience bilingue et inclusive.

Mais avons-nous atteint notre objectif de créer un site web efficace moins impactant pour le climat? Pouvons-nous faire mieux?

Dans la seconde partie de cet article, vous pourrez découvrir les outils mis en place par l’équipe de Tagadart, l’analyse de Resilio ainsi que les prochaines étapes sur notre feuille de route pour continuellement améliorer notre site et le framework. Nous vous présenterons aussi ce dernier, que vous pourrez utiliser pour améliorer votre propre vitrine web.

Vous avez aussi la possibilité de regarder le séminaire sur la sobriété numérique et de lire l'article de Johann Recordon pour en savoir plus.

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References: 

The global internet, Phenomena report, 2018. (https://www.sandvine.com/hubfs/downloads/phenomena/2018-phenomena-report.pdf)

3  Iea, data centers and data transmission networks, 2022.(https://www.iea.org/reports/data-centres-and-data-transmission-networks )

4  “Plus c’est grand, plus ça pollue”, greenpeace.fr.

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