CLIMACT starting grants 2021
Espèces envahissantes
Apprentissage automatique

CLIMACT Starting Grant 2021: quels résultats après 2 ans ? (Partie 2)

Modélisation à grande échelle de la colonisation du pin parasol dans la zone alpine induite par le climat grâce à la télédétection aéroportée et à l'apprentissage profond

Posté le 29 août 2023

Auteur·e·s

Aïcha Besser

Responsable Communication
CLIMACT

Expert·e·s

Dr.
Dr. Jan Skaloud

ENAC, EPFL

Prof.
Prof. Devis Tuia

ENAC, EPFL

Dr.
Dr. Christophe Randin

FBM DEE, UNIL

Jesse Lahaye

Assistant doctorant
ENAC, EPFL

CLIMACT Starting Grant 2021: quels résultats après 2 ans ? (Partie 2)

Des observations récentes de la limite des forêts et des arbres individuels de plus haute altitude dans les Alpes suisses indiquent un déplacement constant et accéléré vers le haut au cours des dernières décennies. Ces déplacements peuvent entraîner des changements dans la composition et la structure des écosystèmes des Alpes. Lorsque de nouvelles espèces d'arbres s'établissent à des altitudes plus élevées, elles peuvent supplanter ou remplacer les espèces d'arbres et de plantes indigènes. Cela peut provoquer des perturbations de l'équilibre écologique et de la résilience des forêts alpines, ainsi que des fonctions essentielles telles que le piégeage du carbone et le cycle des nutriments.

Si l'on sait que les tendances au réchauffement affectent les limites et la répartition spatiale des colonies végétales alpines, on ne comprend pas bien toute la portée des mécanismes qui régissent la colonisation et les schémas de croissance des espèces d'arbres aux limites supérieures de l'altitude.

Pouvez-vous résumer le thème et l'objectif de votre projet ?

Jesse Ray Murray Lahaye (J.L.) : Pour mieux comprendre les mécanismes à l'origine de la colonisation et des schémas de croissance, des cadres de modélisation écologique doivent être développés pour englober les processus qui régissent ces moteurs. Cependant, un défi important se pose lorsque l'on tente d'appliquer ces modèles à l'échelle régionale, en raison de la quantité substantielle d'observations détaillées nécessaires à leur validation et à leur étalonnage. Dans de nombreux cas, l'acquisition de ces données à l'aide de techniques terrestres ou satellitaires n'est pas réalisable ou possible en raison du coût, de l'accessibilité ou de la résolution limitée des données.

Dans ce travail, nous avons relevé ce défi en utilisant des données de télédétection aéroportées pour créer un ensemble complet de données d'inventaire d'espèces d'arbres à haute résolution couvrant une vallée montagneuse entière en Suisse occidentale. Cet objectif a été atteint grâce à la mise en œuvre d'une approche d'apprentissage basée sur les données.

En quoi est-il innovant dans votre domaine de recherche et a un impact significatif dans le contexte de la durabilité et de l'action climatique ?

J.L. : En combinant l'imagerie aérienne, les données de balayage laser et les observations de terrain in situ, nous avons développé une méthode de traitement d'image basée sur l'apprentissage profond capable de générer automatiquement un ensemble de données d'inventaire forestier précis et à haute résolution qui décrit l'ensemble du transect vertical de notre zone d'étude. Nous travaillons actuellement à l'utilisation de ces données pour calibrer et valider un ensemble de modèles de distribution des espèces (SDM) basés sur des processus et développés pour prédire l'évolution future de l'écotone de la limite des arbres alpins, dans le but d'améliorer leur robustesse et leur évolutivité. Les résultats de ces travaux représenteront la première fois que des modèles de ce type ont été affinés avec des données à si haute résolution et à si grande échelle.

En quelques mots, quels sont les résultats ou les applications de votre projet ?

J.L. : Le cadre de traitement d'images développé au cours de ce projet a facilité la détection et la caractérisation automatiques de près de 50 000 arbres, atteignant une précision de plus de 70 % dans la détermination de la largeur et de la hauteur de leur couronne, en accord avec les techniques de mesure au sol. En comparaison, une campagne de vérification au sol in situ de quatre mois a été menée au cours du projet et n'a permis d'inventorier qu'environ 900 arbres, bien que cela ait demandé beaucoup d'efforts et de temps. Cet inventaire sera ensuite utilisé pour la calibration et la validation des SDM conçus pour prévoir l'évolution future de l'écotone de la limite des arbres alpins à l'échelle régionale dans notre zone d'étude. Les prévisions générées par ce travail constitueront des informations précieuses pour les agences locales et régionales de gestion des forêts et de l'environnement dans leurs efforts pour maintenir les fonctions de l'écosystème dans cette région en réponse au changement climatique.

En plus des agences de gestion des forêts et de l'environnement, pour quels types d'acteur·ice·s du public, de l'industrie ou de la société vos résultats seront-ils directement utiles ? Quel impact espérez-vous avoir à moyen et long terme ?

J.L. : Les résultats finaux de notre étude seront communiqués par le biais des services de communication interne de l'EPFL et pourront être publiés dans au moins deux revues dans des domaines allant de l'écologie à la géodésie et à la télédétection. La capacité de surveillance environnementale et les données qui seront développées dans le cadre de ce projet seront publiées en tant que données ouvertes et serviront ainsi de ressource précieuse pour les initiatives conjointes en cours de l'EPFL et de l'UNIL (CLIMACT MOUNTEGAL, initiatives BlueMount), ainsi que pour les travaux futurs avec des collaborateur·rice·s comme le Centre d'imagerie de l'EPFL.

Les résultats de notre étude seront diffusés au grand public par le biais de publications dans les journaux nationaux et locaux (par exemple Le Temps, Heidi.news, NZZ, le Nouvelliste) et par des événements de sensibilisation organisés par des centres d'éducation publique valaisans tels que le Musée de la Nature à Sion (par exemple lors de la Nuit des Musées) et le jardin alpin Flore-Alpe à Champex. Les activités de sensibilisation seront coordonnées avec Alpole, CLIMACT et Mediacom du côté de l'EPFL et avec le Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne de l'UNIL et le Service pour la culture et la sensibilisation. Les expositions présentant les résultats de notre projet à Flore-Alpe, à l'EPFL et à l'UNIL ont le potentiel de se déplacer en Suisse (centres d'accueil des visiteur·euse·s des parcs régionaux ou nationaux) et dans les Alpes (par exemple au Musée de Grenoble).

Pouvez-vous nous dire comment vous avez collaboré avec des chercheur·euse·s  de l'UNIL et de l'EPFL dans le cadre de votre projet ?

J.L. : La collaboration entre les chercheur·euse·s du Département d'écologie et évolution (DEE) de l'UNIL, du "Geodetic Engineering Laboratory" (TOPO) et du Laboratoire de science computationnelle pour l'environnement et l'observation de la Terre (ECEO) de l'EPFL a joué un rôle central dans notre projet, démontrant l'importance de l'interdisciplinarité dans la résolution de questions écologiques complexes. Le laboratoire TOPO a apporté son expertise dans l'acquisition et le traitement de données spatialement référencées, ce qui était essentiel pour produire les données prêtes à l'analyse (ARD) nécessaires à notre projet. Parallèlement, le laboratoire ECEO a mis à disposition ses compétences étendues en matière d'application des méthodes d'apprentissage profond aux données environnementales et de télédétection.

En quoi l'interdisciplinarité était-elle essentielle ?

J.L. : Cette expertise a été cruciale dans le développement d'un modèle évolutif qui relie efficacement les données aériennes aux schémas de colonisation au niveau des espèces. Travaillant en tandem, le DEE de l'UNIL a apporté ses connaissances spécialisées dans la modélisation des facteurs qui expliquent l'évolution spatio-temporelle de la distribution des espèces, et dans l'intégration de l'inventaire forestier basé sur la télédétection pour l'amélioration des cadres SDM.

Les domaines d'expertise distincts mais complémentaires de nos groupes de recherche nous ont permis d'explorer et de tester des hypothèses qui n'avaient pas été résolues auparavant dans le domaine de l'écologie évolutive. En tirant parti de nouvelles techniques d'apprentissage automatique et de technologies d'observation de la Terre, nous avons créé le potentiel nécessaire pour découvrir de nouvelles idées et des solutions potentielles à des défis écologiques complexes.

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L'équipe à l'origine de la recherche :

Jesse Ray Murray Lahaye : Assistant doctorant au Laboratoire des sciences cryosphériques (CRYOS)

Prof. Devis Tuia : Professeur associé au Laboratoire de science computationnelle pour l'environnement et l'observation de la Terre (ECEO)

Prof. Jan Skaloud : Scientifique senior à la Section des sciences et ingénierie de l'environnement de l'ENAC et pour le programme doctoral en ingénierie civile et environnementale (EDCE), ainsi que professeur hôte au Laboratoire des sciences cryosphériques (CRYOS)

Dr. Christophe Randin : Chercheur au Département d'écologie et évolution (DEE) de l'UNIL, sur l'impact du climat sur la phénologie printanière des arbres de montagne, l'exploration de la survie des plantes alpines rares sous l'effet des changements climatiques, et l'analyse de la dynamique végétale dans le canton de Vaud urbanisé à l'aide de spécimens historiques

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